L’Anorexie Mentale
Dr Cohen
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A quel âge se déclare l’anorexie mentale ?
L’adolescence, comme précédemment évoqué, constitue une période à la fois charnière et critique du développement d’un individu. Il s’agit donc de la période la plus propice au développement de l’anorexie mentale. Il existe deux « pics » d’émergence de l’anorexie mentale : à 13-14 ans et à 17-18 ans. L’anorexie la plus classique est celle de la jeune fille entre 14 et 18 ans.
Mais il existe des anorexies mentales pré-pubères qui surviennent donc avant l’apparition des premières règles. Cette pathologie peut aussi débuter à l’âge adulte.
Il existe 2 types d’anorexie :
- l’anorexie restrictive pure et
- l’anorexie mixte associée à des crises de boulimie avec vomissements ou utilisations de purgatifs.
Il existe d’autres troubles des conduites alimentaires plus rares
- l’alimentation hypersélective (par exemple ne manger que des aliments jaunes),
- le pica (ingestion compulsive de substances non comestibles),
- ou encore le mérycisme (régurgitation volontaire et remastication du bol alimentaire)
Est-ce fréquent ?
Actuellement, il n’y a pas de réelles données épidémiologiques en France concernant les TCA à l’adolescence mais ont pu être transposées à notre pays des données anglo-saxonnes :
– environ 1% des jeunes filles âgées de 16 à 25 ans seraient concernées par l’anorexie mentale.
A ma connaissance, il n’existe pas de données épidémiologiques précises concernant l’anorexie du nourrisson.
L’anorexie touche très majoritairement (90 à 95% des cas) le sexe féminin.
Enfin dans 10 % des cas, elle touche le garçon où la symptomatologie principale est souvent l’hyperactivité physique.
Ces troubles ayant de lourdes conséquences sur la santé et notamment la croissance de l’enfant et l’adolescent, il est donc indispensable qu’un suivi pédiatrique soit régulier.
La définition de l’anorexie mentale de l’enfant est :
- une perte de poids significative (par évitement alimentaire, vomissements, exercice excessif, abus de laxatifs) ;
- préoccupations excessives concernant le poids ou les formes ;
- et un ou plusieurs de signes suivants : peur d’avaler et/ou de vomir (émétophobie) ; douleurs abdominales pendant le repas ou en dehors ; restrictions des apports hydriques ; intérêt pour la connaissance des calories.
Quels sont les signes de l’anorexie Mentale ?
Le diagnostic d’anorexie mentale repose essentiellement sur quatre critères :
- Un amaigrissement de plus de 15% du poids initial et/ou un Indice de Masse Corporelle (Poids/Taille au carré) inférieur à 17,5
- Une anorexie, une « perte de l’appétit » par le biais d’une lutte active contre la faim et une restriction de tous « les aliments qui font grossir » associé à d’autres comportements qui ont tous pour but de perdre du poids (vomissements provoqués, hyperactivité physique, utilisation de médicaments, etc…)
- Une aménorrhée : disparition (ou non-apparition pour les patientes pré-pubaires) des menstruations (règles). Chez les garçons cela peut se manifester par un désintérêt sexuel associé à une impuissance.
- Une perturbation de l’image corporelle (dysmorphophobie) où la personne ne perçoit plus sa propre maigreur. Il existe aussi une obsession et une peur panique de grossir.
En dehors de ces quatre signes cardinaux, on retrouve très fréquemment d’autres symptômes :
- Un hyperinvestissement scolaire avec souvent de très bons résultats scolaires,
- Une hyperactivité physique : une pratique intense de sport dans le but de « bruler » des calories,
- Un certain désintérêt pour les questions relationnelles (amicales et amoureuses),
- Avec au contraire un surinvestissement de la famille,
- Un déni : ils ne se sentent souvent pas malades au début et c’est souvent la famille qui demande la consultation.
Quand consulter ?
Dès que votre enfant ou votre adolescent présente un des signes évoqués ci-dessus ou dès lors que vous vous posez des questions et que vous êtes inquiets, n’hésitez pas.
Comment et pourquoi l’anorexie arrive ?
L’anorexie mentale est une maladie complexe et multifactorielle. Elle débute souvent à la suite d’une situation de « rupture ».
L’adolescence est une période de transition avec les liens très forts de l’enfance. La puberté dont la sexualisation de la relation implique une certaine mise à distance de ces liens de dépendance. Ce passage à l’autonomie peut faire resurgir, comme des réminiscences, les difficultés rencontrées dans l’enfance. Ce d’autant que la personnalité du sujet est marquée par le manque de confiance en soi.
Cette rupture affective (d’un lien amoureux, d’une amitié forte, d’un décès, d’un déménagement,etc.) vient alors concrétiser le malaise sous-jacent. Dépassé par ses émotions qui le précipitent dans une tourmente vertigineuse, le malade en vient à déplacer ses préoccupations sur des représentations corporelles. Le régime et la nourriture deviennent avec obsession sa principale préoccupation. Voyant sa capacité à contrôler son alimentation, il a l’illusion d’avoir retrouvé une certaine maîtrise et s’engouffre alors dans la spirale anorexique.
Quels sont les conséquences sur le corps ?
Les conséquences somatiques sont multiples. Si la dénutrition devient chronique, la plupart des organes peuvent être atteints (cf. illustration ci dessous). De plus, lorsque cela intervient durant l’enfance ou l’adolescence, un défaut de la maturation osseuse et/ou une cassure de la croissance peut en résulter.
Nombre de conséquences sont réversibles lorsque les symptômes s’améliorent voir s’arrêtent. Toutes les conséquences ne sont pas équivalentes, les plus dangereuses d’entre elles, peuvent mettent en jeu le pronostic vital.
Seront donc effectué des examens complémentaires afin d’apprécier l’intensité des symptômes et la gravité de leur retentissement. Les examens complémentaires ont aussi pour but d’éliminer une cause organique à cet amaigrissement.
En fonction de la gravité des symptômes, il peut être indiqué une hospitalisation en urgence voire de préconiser une admission en service de soins intensif ou de réanimation médicale. Chez les mineurs, cette décision est prise en accord avec les parents ou les responsables légaux. Cette mesure reste exceptionnelle.
Cas particuliers d’anorexie
Anorexie du nourrisson
Le diagnostic d’anorexie du bébé et du jeune enfant survient au moment de la diversification alimentaire (passage à la cuillère), c’est-à-dire de l’alimentation autonome.
Les six critères suivants sont nécessaire pour poser le diagnostic :
- le bébé ou le jeune enfant refuse de manger une quantité adéquate de nourriture pendant au moins un mois ,
- le début de ce refus survient avant l’âge de trois ans ,
- le bébé ou le jeune enfant ne communique pas son état de faim et manque d’intérêt pour la nourriture mais manifeste un intérêt marqué pour l’exploration, les interactions avec les personnes qui s’occupent de lui, ou pour les deux,
- l’enfant présente un retard de croissance significatif,
- le refus de la nourriture n’est pas secondaire à un événement traumatique,
- le refus de la nourriture n’est pas lié à une maladie somatique.
Anorexie pré-pubère (ou à début précoce)
Il existe 2 classifications : la Great Ormond Street (GOS) et la classification de Chatoor (Le Heuzey et Acquaviva, EMC, 2006).
Pour la GOS, les catégories sont : l’anorexie mentale, la boulimie, la restriction alimentaire liée à un désordre émotionnel, le syndrome d’alimentation sélective, le syndrome de restriction alimentaire, la dysphagie fonctionnelle, le syndrome de refus global, la perte d’appétit liée à une dépression, le refus alimentaire oppositionnel.
La classification de Chatoor distingue trois groupes en fonction de l’âge :
- les troubles apparaissant dans la petite enfance et qui peuvent perdurer durant l’enfance (anorexie infantile, néophobies alimentaires, petits mangeurs) ,
- les troubles commençant durant l’enfance elle-même (anorexie mentale et boulimie),
- les troubles alimentaires post-traumatiques qui peuvent survenir à tout âge.
Quelle est l’évolution?
L’anorexie mentale est une pathologie potentiellement grave.
Il existe un tiers d’évolution vers la chronicité, c’est à dire dans une persistance des troubles avec des tableaux mixtes d’anorexie et de boulimie. Dans ces cas, sont retrouvés de nombreuses complications organiques en particulier au niveau osseux ( ostéoporose secondaire). La durée des soins est en moyenne de 3 ans.
On note dans les différentes études 7% de décès, tant par dénutrition (trouble du rythme cardiaque) que par suicide.
Dans la moitié des cas l’évolution est favorable.
Les anorexies pré-pubaires, ainsi que les formes masculines sont des formes plus sévère.
Quelle est la prise en charge ?
Selon les recommandations HAS de 2010, la prise en charge doit être pluridisciplinaire et la plus précoce possible. Ainsi, la thérapie associe généralement un suivi par le médecin traitant, un(e) médecin spécialisé (pédiatre ou endocrinologue), un(e) médecin psychiatre, un(e) psychologue, un(e) médecin nutritionniste ou diététicien(ne). Son objectif est de limiter les conséquences somatiques et les complications à court, moyen et long terme, et de comprendre les mécanismes psychologiques pour guérir et enrayer une évolution vers la chronicité. La dimension sociale (scolarisation, insertion professionnelle) est aussi un paramètre à prendre en compte.
En tant que pédiatre référent, je m’engage à accompagner de manière globale l’adolescent et sa famille. Je propose d’assurer le suivi corporel, nutritionnel et de surveiller l’enjeu primordial de la croissance. Ceci en lien avec un pédopsychiatre référent et associé dans un travail en réseau avec psychologue, thérapeute familial, diététicien, psychomotricien, kinésithérapeute. Cette prise en charge est assortie d’un contrat de reprise de poids.
Les thérapies familiales permettraient d’améliorer l’évolution des anorexies mentales.
Cette pathologie ayant un fort impact sur l’entourage familial, il sera également proposé aux familles un groupe de parole pour les parents en lien avec une association de familles (Solidarité Anorexie Boulimie 17).
Enfin, pour l’instant, aucun médicament n’a apporté la preuve d’un intérêt thérapeutique spécifique, à part pour traiter les conséquences psychologiques ou somatiques de ces maladies.
Parfois, l’évolution pondérale mettant la patiente en danger, une hospitalisation peut s’avérer nécessaire. Le suivi mis en place dans le cadre ambulatoire continue pendant cette phase hospitalière.
Qu’est ce qu’un contrat de soins ?
Ce terme stipule que le médecin passe un « contrat » avec son patient. Il s’agit d’un échange de consentement et d’engagement dans les soins qui lui sont proposés.
Le support écrit n’est pas obligatoire ; il s’agit le plus souvent d’un contrat moral, symbolique.
Liens utiles
– Anorexie mentale, prise en charge de l’anorexie. HAS 2010 : has-sante.fr.
– Numéro vert Anorexie-Boulimie Info écoute 0810 037 037 : permet aux professionnels, aux patients et à leur famille d’avoir une écoute ou une information précise délivrée par des professionnels ou des associations de patients.
– Annuaire national des services TCA : site FFAB.
– Réseau TCA Poitou-Charentes.